Saigon
1954, la Cité Lyautey
Partie
2
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Anthony
Ducoutumany
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Maintenant
que nous allions à l'école, notre vie était mieux réglée. On vadrouillait
moins dans le quartier, donc moins d'occasions de se frotter aux petites
bandes qui traînaient, comme partout, mais nous avions aussi de bons amis
dans le voisinage, surtout dans les rues Nguyên Kim et Bà Hat., car juste
en face de notre cité, ou alors on allait jusqu'au marché Nguyên
Tri Phuong pas bien loin, où on trouvait de tout. Je me souviens que certains
y achetaient de petits poussins ou canetons, et on essayait de les élever
derrière nos bâtiments de la cité, mais en grandissant ils se faisaient
attraper et manger par les chats rôdeurs...Tant pis, on aurait essayé
!
Puis
la vie a suivi son cours, nous avions grandi, certains continuant leurs
études au lycée Jean Jacques Rousseau, les filles au lycée Marie Curie...D'autres
qui ne pouvaient continuer ont suivi les suggestions des autorités administratives,
et acceptèrent d'être rapatriés en métropole, bien avant ces autres
rapatriés dont on a davantage parlé plus tard, ceux d'Afrique du nord
...Ils ont dû essayer de s'adapter avec plus ou moins de bonheur à cette
France dont on leur a tellement parlé, mais qu'ils n'ont jamais vraiment
connue...
On
a entendu parler du CAFI, ce centre d'accueil pour les Français d'Indochine
à Ste Livrade dans le Lot, encore un ancien camp de l'armée. Certains
adolescents furent pris en charge par la FOEFI, fédération des oeuvres
de l'enfance française en Indochine, et furent envoyés à Vouvray. Un
nombre indéterminé suivit des chemins individuels, qui les menèrent
vers des foyers de métropole qui acceptaient de leur donner une deuxième
chance...Il est très difficile de suivre tous ces chemins divers, tellement
ils sont différents de par leurs natures, et comme l'on peut s'y attendre,
les anciens de la cité Lyautey de Saigon 1954 - 1956 sont maintenant répartis
dans toutes les couches de la population métropolitaine, comprenant naturellement
des ingénieurs, médecins, avocats etc...
Mais quels que soient les parcours
qu'ils auront suivis, ils ne pourront jamais effacer les souvenirs de cette
cité Lyautey - que les enfants de Phú Thọ déformaient par moquerie
en "Ly' ôm tây" - ceux qui enlacent les français - où ils ont passé
deux ans de leurs vies, à la descente des avions qui sont venus du nord
pour les déposer au seuil d'une vie pleine d'incertitudes, dans le coeur
d'un pays en plein devenir, et cet épisode fait partie de leur Histoire.
Souvenirs
rapportés par Anthony Ducoutumany
- Mai 2021.
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