Les Ecoles de méditation au Việt Nam
(Thiền tông Việt Nam)
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Trần Tuấn Mẫn

(traduction : Nguyễn Trọng Denis)

I/ Quelques propos sur la méditation

Il est très difficile de définir la méditation de façon globale. La méditation (dhyana en sanskrit, jhana en pali) signifie penser, concentrer son esprit, se calmer, être en communication avec l’environnement; de là, le pratiquant se concentre sur un sujet ou un objet: c’est la concentration (s: samadhi). Ainsi, si l’on ne tient pas compte de sa profondeur, la méditation est un mode de pensée universel, qu’il soit de nature religieuse ou non, sans être l’apanage du bouddhisme.

Avant et pendant l’ère du Bouddha, les moines hindous étaient déjà rompus à la méditation et beaucoup avaient atteint un niveau élevé et acquis un certain nombre de pouvoirs surnaturels. Les trois entraînements bouddhiques contre les souillures comprennent la Moralité, la Concentration et la Sagesse. Ainsi, tout pratiquant de la voie bouddhiste, qu’il soit religieux ou laïc, doit s’entraîner à la méditation.

Environ un millier d’années après le Bouddha, la méditation fut introduite en Chine, d’après la légende, par Bodhidharma, 28è patriarche indien et 1er patriarche chinois de l’Ecole de méditation Chán, qui l’a ensuite transmise au 2è patriarche Huệ Khả (ch: Huìkě). La lignée se poursuivait avec le 3è patriarche Tăng Xán (ch: Sēngcàn), le 4è Đạo Tín (ch: Dàoxìn), le 5è Hoằng Nhẫn (ch: Hóngrěn) et le 6è Huệ Năng (ch: Huìnéng). A partir du 6è patriarche Huìnéng, est apparue l’utilisation de gōng’àn (jap: koan), questions ou sujets de méditation, et de huàtóu (expressions-clés), avec des méthodes d’enseignement excentriques, faites de cris, de coups, de comportements absurdes, sortant de l’ordinaire...

La littérature Chán raconte souvent l’anecdote du Bouddha qui un jour, sur le Pic du Vautour, brandit une fleur face à une assemblée qui demeurait complètement silencieuse. Seul le visage de son grand disciple Mahakasyapa s’éclaira d’un sourire, et le Bouddha lui transmit l’enseignement secret en déclarant: " Je possède l’œil du Dharma, l’esprit merveilleux du Nirvana, la voie sublime de la vraie forme sans forme, ne reposant pas sur les mots et écritures, transmis en dehors de l’enseignement; je les transmets ce jour à Mahakasyapa ". Cette anecdote n’est en réalité inscrite dans aucun texte sacré, mais seulement diffusée dans la littérature Chán chinoise!

Les Ecritures du Mahayana sont un développement ingénieux, habile et créatif à partir de celles du Theravada, hissant la philosophie bouddhique au niveau le plus élevé. Le Chán chinois est aussi un développement ingénieux, habile, créatif à partir de l’Ecole de méditation du Theravada.

Cependant, ce développement du Chán (comme celui du Mahayana) a parfois une propension à exagérer. C’est pourquoi, la littérature Chán compte un assez grand nombre d’histoires et de détails qui peinent à convaincre les lecteurs; bien souvent la notification des faits se mêle au caractère romancé, imaginaire, voire fantastique, parfois empreint de violence: par exemple, le 2è patriarche se coupant le bras et restant toute la nuit sous la neige en quête de la voie, ou le maître Nam Tuyền (ch: Nánquán) décapitant un chat en guise de leçon, ou encore Câu Chi tranchant le doigt d’un novice...

Même la devise " ne reposant pas sur les mots et écritures " dans le Sutra de l’Estrade n’a pas été d’un grand consensus: le patriarche Huệ Năng continuait à enseigner les Sutra du Diamant, du Prajñaparamita, du Maha-parinirvana, de Vimalakirti..., à expliquer les termes bouddhiques en sanskrit, et surtout à recommander à ses disciples de rapporter ses paroles dans le Sutra de l’Estrade, afin de les propager et sauver le monde... Les Ecoles de méditation à partir de Huệ Năng ne se différenciaient guère sur le contenu de la pratique: c’était le développement des sutra du Mahayana, dans un esprit particulier: le non-soi, la non-pensée, le non-finalité, la vacuité, la non-dualité, le lâcher-prise, la transmission esprit-à- esprit, l’éveil subit, la tranquillité, la sérénité, le non-agir, qui était presque celui de la philosophie taoïste.

Les Ecoles de méditation viêtnamiennes (Thiền Tông) leur ressemblaient aussi dans le contenu et dans la forme, et étant dérivées du Chán Chinois, elles subissaient évidemment leur influence majeure, et s’en différenciaient aussi sur un certain nombre de points.

II. Les Ecoles de méditation au Viêt Nam

Comme il a été dit, suivre la voie Bouddhiste c’est apprendre et pratiquer la méditation. Depuis le 1er siècle de notre ère, le Bouddhisme s’est propagé dans la région de Giao Châu (nord Viêt Nam) par l’arrivée de moines indiens par la voie du commerce maritime. C’était au début l’esprit du Bouddhisme populaire. Vers le 2è siècle ou le début du 3è, lorsque le Centre Bouddhique Luy Lâu fut créé, les pagodes à Giao Châu se comptaient déjà par centaines et les Ecritures étaient largement diffusées, traduites du sanskrit en chinois, ou bien rédigées, annotées et commentées, comme les textes: Lý hoặc luận, Lục độ Tập kinh, Nê hoàn Phạm hối... L’un des plus remarquables moines traducteurs était Khương Tăng Hội (ch: Kāng Sēnghuì), originaire de Sogdiane, qui aurait traduit le Lục độ Tập kinh en chinois vers le début du 3è siècle, et rédigé des commentaires et annotations: Pháp Cảnh kinh, Đạo Thọ kinh, An Ban Thủ Ý (Anapanasati, introduction)... Il s’agit d’ouvrages traitant de la méditation de façon très approfondie.

Avant Khương Tăng Hội, il existait déjà en terre de Giao Châu des centaines de pagodes, autrement dit les écoles de méditation était déjà présentes dans la vallée du Fleuve Rouge, et à l’époque de Khương Tăng Hội, le Thiền portait déjà l’empreinte de ses propres particularités. Néanmoins, il n’y avait aucune preuve tangible de l’endroit où Khương Tăng Hội s’était établi, ni sur son enseignement, ni sur sa transmission... Aucun document n’a été trouvé pour dire qu’il était le patriarche d’une Ecole.

Les livres sur l’histoire du Bouddhisme viêtnamien ont mentionné la venue de Chine de grands maîtres Chán fonder des Ecoles Thiền dans des pagodes viêtnamiennes, et étaient considérés comme des patriarches. Il y eut des Ecoles ayant duré plusieurs générations, mais à la suite d’influences réciproques entre diverses Ecoles, de nombreux moines sont allés étudier, pratiquer avec d’autres appartenant à d’autres Ecoles. Au fur et à mesure, la notion d’Ecole perdait de son relief. Actuellement, la notion d’Ecole dans les pagodes n’a plus de signification profonde, et ne porte plus les traits caractéristiques de chaque Ecole.

1/ Ecole Vinitarucci (du Sud de l’Inde):

Arrivé en Chine en 562, disciple du 3è patriarche chinois Tăng Xán (ch: Sēngcàn), ce grand maître gagna le Viêt Nam en 580, fit la rencontre du moine Pháp Hiền qui enseignait à la pagode Pháp Vân, et lui transmit alors le Dharma. A partir de Pháp Hiền, la transmission de l’Ecole durait encore 18 générations.

Le grand maître Vinitarucci diffusait le Chán du 3è patriarche Sēngcàn, célèbre par son texte " Confiance en l’esprit clair ", exprimant la sérénité, l’absence d’attachement, et de finalité. l’Ecole Vinitarucci est considérée comme ayant les bases de la pratique du Thiền et aussi du Vajrayana. Peut-être les érudits s’appuyaient-ils sur le fait que Vinitarucci avait traduit certains Sutra: " Esprit du Thiền ", " Dépassement de l’existence et de la non-existence " et " Esprit du Vajrayana ".

Les grands maîtres qui lui ont succédé avaient, en dehors de l’esprit Thiền, un penchant pour le Vajrayana, avec des pratiques d’oracles et de divination, comme Sùng Phạm, Vạn Hạnh, Từ Đạo Hạnh, Pháp Thuận...

2/ L’Ecole Vô Ngôn Thông

Le grand maître Vô Ngôn Thông (ch: Wú Yántōng), originaire de Quảng Châu (ch: Guǎngzhōu) en Chine, avait atteint l’éveil sur une phrase du patriarche Bách Trượng (ch: Bǎizhàng) (3è génération après le 6è patriarche Hùinéng). En 820, il arriva au Viêt Nam, à la pagode Kiến Sơ, du village Phù Đổng à Bắc Ninh, et transmit la Voie à Cảm Thành. L’Ecole Vô Ngôn Thôn débuta ainsi, et fut transmise sur 16 générations après la disparition du fondateur, c’est-à-dire sur 17 générations au total.

Cette Ecole mettait l’accent sur l’éveil subit, sur l’identité de l’esprit et le Bouddha, la " non-dualité ", le " non-finalité ". Sans doute la méthode de méditation thoại đầu (expression-clé) était-elle la plus visible dans l’enseignement et la transmission de l’Ecole Vô Ngôn Thông, avec des maîtres comme Thiện Hội (3è génération), Định Hương (7è génération) Ngộ Ấn (9è génération). Par ailleurs, il faut dire que l’un des traits les plus remarquables de cette Ecole est que les maîtres Thiền sont souvent des poètes, utilisant la poésie pour répondre aux questions sur la voie, inaugurant ainsi l’expression poétique des thoại đầu, et apportant une particulière beauté à la littérature Thiền viêtnamienne: Thiền Lão (7è génération), Viên Chiếu (8è génération), Trí Bảo (11è génération), Tịnh Không (11è génération).

3/ L’Ecole Thảo Đường

D’origine chinoise, le grand maître Thảo Đường était un élève du maître Tuyết Đậu (Xuědòu, mort en 1052), lui-même élève du patriarche Vân Môn Văn Yển (Yúnmén Wényǎn, 864-949). Tuyết Đậu était un maître Chán d’une grande érudition, auteur de nombreux ouvrages dont le célèbre recueil Tuyết Đậu Ngữ lục. Maître Thảo Đường faisait partie de la 8è génération de la lignée Thanh Nguyên Hành Tư (Qīngyuán Xíngsī), c’est-à-dire de la 9è génération de Hùinéng. Alors qu’il prêchait au Champa, il fut capturé en 1069 par le roi Lý Thánh Tông pendant sa campagne punitive contre le Champa, et ramené au Đại Việt. Ici, il fut découvert comme un grand maître talentueux et vertueux, et nommé Conseiller d’Etat par le roi. Dès lors, il fut nommé Vénérable Supérieur de la pagode Khai Quốc à la capitale Thăng Long, et fonda L’Ecole Thảo Đường du Viêt Nam, comprenant 6 générations, parmi lesquelles il faut citer des maîtres de renom comme Bát Nhã (Prajña, 2è génération), Không Lộ, Định Giác (3è génération).

L’Ecole Thảo Đường n’a pas exercé d’influence durable, mais par rapport à l’époque antérieure, il s’agissait plutôt d’une Ecole Thiền intellectuelle, fréquentée par le roi, sa cour et un certain nombre de lettrés laïcs. Il est à noter que cette Ecole Thiền était en accord et en harmonie avec l’Ecole Vô Ngôn Thông, et subissait en partie l’influence du Vajrayana, comme le cas des maîtres Bát Nhã et Đại Điên, préexistant déjà dans les Ecoles Vinitarucci et Vô Ngôn Thông.

4/ L’Ecole Trúc Lâm Yên Tử

Le patriarche fondateur de cette Ecole était le grand maître Hiện Quang (mort en 1220), pratiquant d’abord à la pagode Lục Tổ sous la direction du grand maître Thiền Chiếu (Ecole Vô Ngôn Thông). Elève ensuite des maîtres Trí Không et Pháp Giới, il s’établit sur le mont Yên Tử, et fut connu sous le nom de " Grand Moine errant de la Bambouseraie " et nommé Conseiller d’Etat. La tradition Trúc Lâm Yên Tử (de la Bambouseraie du Mont Yên Tử) fut établie depuis.

A la disparition du grand maître Hiện Quang, Đạo Viên (précepteur du roi Trần Thái Tông) lui succéda. Puis vinrent les tours de Đại Đăng (précepteur du roi Trần Thánh Tông), Tiêu Diêu (précepteur de Tuệ Trung), Huệ Tuệ, Trúc Lâm (c-à-d le roi Trần Nhân Tông), Huyền Quang, Pháp Loa... jusqu’à Vô Phiền, totalisant 23 maîtres Thiền. Parmi les 5 premières générations de la tradition Trúc Lâm Yên Tử, seuls sortaient de l’ordinaire dans leur pratique Thiền le roi Trần Thái Tông et le grand maître Tuệ Trung Thượng Sĩ, qui cependant ne pouvaient transmettre le Dharma, étant seulement des laïcs. La transmission équivalait pratiquement à la succession à la direction de la pagode. C’est alors qu’arriva Trúc Lâm Đầu đà (L’ascète de la Bambouseraie) Điều Ngự Trần Nhân Tông, le roi éclairé, héroïque, le père du roi qui avait cédé le trône à son fils pour devenir moine et grand maître Thiền, en établissant un refuge de méditation sur le mont Yên Tử pour devenir le patriarche de 17 maîtres des 17 générations suivantes de l’Ecole Trúc Lâm.

C’était sous la dynastie des Trần, c’est-à-dire au moment de l’établissement de l’Ecole Trúc Lâm Yên Tử, que le pays et le bouddhisme Mahayana avaient connu leur plus fort et plus brillant développement. Le contenu de la pratique reposait essentiellement sur les pensées de Trần Thái Tông, de Tuệ Trung, du Patriarche Fondateur de Trúc Lâm, du 2è patriarche Pháp Loa et du 3è patriarche Huyền Quang: " le Bouddha est dans l’esprit, l’esprit vrai, la non-dualité, la sérénité, le non-attachement, la transmission d’esprit-à-esprit, le bol et l’habit de patriarche ". Les particularités de cette Ecole Thiền se trouvaient dans l’adaptation à la perception des choses à travers les thoại đầu, mêlés de poèmes improvisés, mais son contenu pratique n’est guère différent du Chán chinois, avec plus ou moins de mélange avec les Ecoles Vinitarucci et Vô Ngôn Thông.

C’est en raison de l’extension du pays et la résistance aux invasions étrangères, menés par le patriarche fondateur de Trúc Lâm Trần Nhân Tông, que plusieurs chercheurs contemporains ont pensé que la culture Thiền des Trần, en pratique celle de Trúc Lâm Yên Tử, avait porté en elle l’esprit populaire, le patriotisme, la volonté d’indépendance et d’auto-développement... A notre avis, une telle conception n’est pas vraiment adaptée au Thiền.

Il est regrettable que cette période de prospérité de l’Ecole Trúc Lâm n’ait guère duré longtemps, car pendant les 15 générations après le 3è patriarche Huyền Quang, il n’y eut plus aucune activité, à part mentionner le nom de Dharma de chacune des personnes de chaque génération!

Certains chercheurs attribuent au maître Chơn Nguyên (mort en 1722) la réhabilitation de l’Ecole Trúc Lâm Yên Tử car il avait reçu la transmission du bol et de l’habit, hormis le fait que lui et ses élèves habitaient à Trúc Lâm et dans les pagodes affiliées et rénovaient un certain nombre de textes des et des Trần. Ceci ne paraît pas solide comme argument, et de plus sa pratique n’était pas semblable à celle de Trúc Lâm. Récemment, le Vénérable Supérieur Thích Thanh Từ a fait construire de 1971 à 2011 une quarantaine de pagodes, et a été considéré comme l’auteur du renouveau de l’Ecole Trúc Lâm Yên Tử. Ses mérites, sa sagesse et ses qualités morales sont immenses, mais à travers les activités de ces pagodes (surtout les pagodes Trúc Lâm récemment établies), on ne voit pas toujours pas transparaître les caractéristiques de la tradition Trúc Lâm.

5. l’Ecole Lâm Tế

D’après un certain nombre de livres d’histoire du Thiền viêtnamien, pendant l’époque du seigneur Nguyễn Hoàng (1559-1613), une dizaine de moines chinois sont arrivés au Viêt Nam, dans les provinces de Quảng Trị, Thuận Hóa (Huế), Quảng Nam, Quảng Ngãi, Phú Yên...et ont construit des pagodes, en majorité de l’Ecole Lâm Tế (ch: Línjì). Thuận Hóa était la capitale, et de nombreux moines y venaient donc prêcher. C’était par le grand maître Minh Hoằng Tử Dung (originaire de Quảng Đông, 34è génération de l’Ecole Línjì), fondateur de la pagode Ấn Tôn, que le Chán Línjì fut transmis au grand maître Liễu Quán en 1708. Celui-ci (mort en 1793) devint le patriarche de la lignée Lâm Tế viêtnamienne, appartenant à la 35è génération. Il construisit et dirigea les pagodes Thiền Tông, Viên Thông à Thuận Hóa, Cổ Lâm, Bảo Tịnh à Phú Yên. Cette Ecole suit toujours la tradition de transmission d’esprit-à-esprit, de gōng’àn, de thoại đầu (huàtóu).

De nos jours, cette Ecole persiste encore majoritaire à Thừa Thiên Huế. Le grand maître Nhất Hạnh, originaire de la pagode Từ Hiếu, appartenant à la 8è génération de la lignée Liễu Quán et 42è de l’Ecole Lâm Tế, en développant le Thiền viêtnamien à l’étranger, est devenu un maître Thiền connu dans le monde entier.

Auparavant, les grands maîtres Nguyên Thiều (Ecole Línjì) et Thanh Liêm (Ecole Cáodòng) étaient venus au Đại Việt, mais ils établissaient seulement des pagodes et enseignaient le Dharma, mais on n’a jamais trouvé de document montrant qu’ils avaient fondé les Ecoles Lâm Tế et Tào Động au Viêt Nam...

6/ Ecole Tào Động

L’Ecole Tào Động (ch: Cáodòng) prenait sa source à partir des règles de pratique de Động Sơn Lương Giới et de Tào Sơn Bổn Tịch (9è s.) en Chine, dont le principe est représenté par les qualificatifs " Incliné et Droit ". " Droit " signifie l’absolu, la vraie vacuité du corps de Dharma, " Incliné " signifie le relatif, le phénomène, le merveilleux existant. " Droit " et " Incliné " n’étant en fait qu’un.

Le patriarche Tào Động viêtnamien fut le grand maître Thủy Nguyệt (1636-1704), originaire de Thái Bình, parti en Chine pour apprendre et pratiquer le Dharma. En 1667, après 3 ans en Chine, il revint au pays, à la pagode Vọng Lão, à la commune de Đông Triều, à Hải Dương. Il fonda l’Ecole Tào Động à Đàng Ngoài (Région extérieure), au fort développement pendant plus de cent ans. Ultérieurement, bien que cette Ecole ne fût pas aussi forte qu’auparavant, et présentât des signes de déclin, elle ne disparaissait pas totalement. De nos jours, il persiste d’assez nombreuses pagodes avec des moines et moniales de l’Ecole Tào Động dans plusieurs villes du Nord.

III. Vue d’ensemble des Ecoles Thiền au Viêt Nam

Les Ecoles Thiền viêtnamiennes sont toutes issues des Ecoles Chán chinoises, et sont à l’évidence teintées de couleurs du Chán chinois, mais elles portent aussi à l’évidence les caractéristiques propres du Thiền viêtnamien. Quelles sont ces caractéristiques ?

1/ Le Thiền viêtnamien ne fait pas la distinction entre les particularités de chacune des Ecoles Thiền. Ce n’est pas parce que les grands maîtres chinois suivent une Ecole particulière que les Ecoles viêtnamiennes doivent suivre exactement les pratiques de cette Ecole. De plus, les grands maîtres chinois sont venus au Viêt Nam pour propager le Dharma et pour dispenser l’enseignement du Mahayana, et non pas pour développer leur propre Ecole.

2/ Alors que depuis 2000 ans, les pagodes viêtnamiennes étaient affiliées au Mahayana, au 20è siècle sont apparues des pagodes du Theravada, de l’Ordre des moines-mendiants, et du Bouddhisme Hoà Hảo. Dans toutes les pagodes, on pratique la lecture des sutra, la prière et la méditation (nécessaire dans la pratique du bouddhisme), sans faire de distinction entre les Ecoles.

3/ Les Ecoles Thiền viêtnamiennes ne prêtent pas attention à " l’absence de mots et d’écritures, la transmission en dehors de l’enseignement ", mais considèrent comme importants le calme et le silence, le repos et la stabilisation du mental, afin de parvenir à la compréhension de son esprit, la reconnaissance de la souffrance, du non-soi et de l’impermanence enseignés par le Bouddha.

4/ Le Thiền viêtnamien est " léger, paisible ", et n’utilise pas des méthodes d’approche volontiers " excentriques, violentes " comme le Chán chinois. Ceci est probablement dû à la rencontre avec le caractère du peuple viêtnamien, et au lien étroit tissé entre le Thiền et la Terre Pure (Tịnh Độ).

5/ L’appartenance à une Ecole Thiền n’est pas un élément important au Viêt Nam. Lors de la succession du patriarche fondateur d’une pagode, ses disciples créent d’autres pagodes, et la première appelée " Monastère Patriarche " ne porte pas la signification d’une Ecole. L’idée d’Ecole n’existe pratiquement plus au sein du Sangha, mais persiste encore seulement dans les lignées maîtres-disciples à partir du patriarche fondateur d’une pagode.

6/ Les grands maîtres Thiền viêtnamiens sont souvent des poètes, des érudits qui ont créé des œuvres de recherche, des commentaires explicatifs sur le Bouddhisme. Leurs travaux ont grandement contribué à la littérature Bouddhique et à celle du Viêt Nam en général.

Avec la nouvelle ère, le point de vue sur la méditation a changé et s’est en partie modernisée en Chine, au Viêt Nam, et sans doute dans presque tous les monastères du monde, en minimisant ou en négligeant la notion d’Ecole. Le mode de transmission, les gōng’àn, les huàtóu, la communication d’esprit-à-esprit, etc... des patriarches chinois avaient quasiment disparu, de même dans le Thiền viêtnamien. A l’heure actuelle, beaucoup de centres enseignent la méditation à la façon des maîtres Thiền des temps modernes, sans prêter attention aux anciens patriarches. Le nombre de moines, de moniales et de pratiquants laïcs au Viêt Nam ainsi que dans de nombreux pays, se consacrant à l’étude et à la pratique de la méditation, reste cependant assez important ./.

Bibliographie sommaire

- Nguyễn Lang, Việt Nam Phật giáo Sử luận, I, II, III, nxb Văn Học, 1992.

- Thích Mật Thể, Lược sử Phật giáo Việt Nam, nxb Minh Đức, 1960.

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- Lê Mạnh Thát, Lịch sử Phật giáo Việt Nam, nxb Thuận Hóa, 1999.

- Nguyễn Đăng Thục, Thiền học Việt Nam, nxb Thuận Hóa, 1997.

- Lê Mạnh Thát, Nghiên cứu về Thiền uyển Tập anh, nxb Thành phố Hồ Chí Minh, 1999.

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- Tứ Đại thiền gia ngữ lục, Trần Tuấn Mẫn dịch chú, nxb Phương Đông, 2006.

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