I/ Quelques propos sur la méditation
Il est très difficile de définir la méditation de façon
globale. La méditation (dhyana en sanskrit, jhana en pali)
signifie penser, concentrer son esprit, se calmer, être en communication
avec l’environnement; de là, le pratiquant se concentre sur un sujet
ou un objet: c’est la concentration (s: samadhi). Ainsi, si l’on
ne tient pas compte de sa profondeur, la méditation est un mode de pensée
universel, qu’il soit de nature religieuse ou non, sans être l’apanage
du bouddhisme.
Avant et pendant l’ère du Bouddha, les moines hindous
étaient déjà rompus à la méditation et beaucoup avaient atteint un
niveau élevé et acquis un certain nombre de pouvoirs surnaturels. Les
trois entraînements bouddhiques contre les souillures comprennent la Moralité,
la Concentration et la Sagesse. Ainsi, tout pratiquant de la voie bouddhiste,
qu’il soit religieux ou laïc, doit s’entraîner à la méditation.
Environ un millier d’années après le Bouddha, la méditation
fut introduite en Chine, d’après la légende, par Bodhidharma,
28è patriarche indien et 1er patriarche chinois de l’Ecole
de méditation Chán, qui l’a ensuite transmise au 2è patriarche
Huệ
Khả (ch: Huìkě). La lignée se poursuivait avec le 3è patriarche
Tăng
Xán (ch: Sēngcàn),
le 4è Đạo Tín (ch: Dàoxìn),
le 5è Hoằng Nhẫn (ch:
Hóngrěn)
et le 6è Huệ Năng (ch: Huìnéng).
A partir du 6è patriarche Huìnéng, est apparue l’utilisation
de gōng’àn (jap: koan),
questions ou sujets de méditation, et de huàtóu (expressions-clés),
avec des méthodes d’enseignement excentriques, faites de cris, de coups,
de comportements absurdes, sortant de l’ordinaire...
La littérature Chán raconte souvent l’anecdote
du Bouddha qui un jour, sur le Pic du Vautour, brandit une fleur face à
une assemblée qui demeurait complètement silencieuse. Seul le visage
de son grand disciple Mahakasyapa s’éclaira d’un sourire, et
le Bouddha lui transmit l’enseignement secret en déclarant: " Je possède
l’œil du Dharma, l’esprit merveilleux du Nirvana, la
voie sublime de la vraie forme sans forme, ne reposant pas sur les mots
et écritures, transmis en dehors de l’enseignement; je les transmets
ce jour à Mahakasyapa ". Cette anecdote n’est en réalité inscrite
dans aucun texte sacré, mais seulement diffusée dans la littérature
Chán
chinoise!
Les Ecritures du Mahayana sont un développement
ingénieux, habile et créatif à partir de celles du Theravada,
hissant la philosophie bouddhique au niveau le plus élevé. Le Chán
chinois est aussi un développement ingénieux, habile, créatif à partir
de l’Ecole de méditation du Theravada.
Cependant, ce développement du Chán (comme celui
du Mahayana) a parfois une propension à exagérer. C’est pourquoi,
la littérature Chán compte un assez grand nombre d’histoires
et de détails qui peinent à convaincre les lecteurs; bien souvent la
notification des faits se mêle au caractère romancé, imaginaire, voire
fantastique, parfois empreint de violence: par exemple, le 2è patriarche
se coupant le bras et restant toute la nuit sous la neige en quête de
la voie, ou le maître Nam Tuyền (ch: Nánquán) décapitant
un chat en guise de leçon, ou encore Câu Chi tranchant le doigt
d’un novice...
Même la devise " ne reposant pas sur les mots et écritures
" dans le Sutra de l’Estrade n’a pas été d’un grand consensus:
le patriarche Huệ Năng continuait
à enseigner les Sutra du Diamant, du Prajñaparamita, du Maha-parinirvana,
de Vimalakirti..., à expliquer les termes bouddhiques en sanskrit,
et surtout à recommander à ses disciples de rapporter ses paroles dans
le Sutra de l’Estrade, afin de les propager et sauver le monde...
Les Ecoles de méditation à partir de Huệ
Năng ne se différenciaient guère sur le contenu de la pratique:
c’était le développement des sutra du Mahayana, dans un esprit
particulier: le non-soi, la non-pensée, le non-finalité, la vacuité,
la non-dualité, le lâcher-prise, la transmission esprit-à- esprit, l’éveil
subit, la tranquillité, la sérénité, le non-agir, qui était presque
celui de la philosophie taoïste.
Les Ecoles de méditation viêtnamiennes (Thiền Tông)
leur ressemblaient aussi dans le contenu et dans la forme, et étant dérivées
du Chán Chinois, elles subissaient évidemment leur influence majeure,
et s’en différenciaient aussi sur un certain nombre de points.
II. Les Ecoles de méditation au Viêt Nam
Comme il a été dit, suivre la voie Bouddhiste c’est
apprendre et pratiquer la méditation. Depuis le 1er siècle de notre ère,
le Bouddhisme s’est propagé dans la région de Giao Châu (nord
Viêt Nam) par l’arrivée de moines indiens par la voie du commerce maritime.
C’était au début l’esprit du Bouddhisme populaire. Vers le 2è siècle
ou le début du 3è, lorsque le Centre Bouddhique Luy Lâu fut créé,
les pagodes à Giao Châu se comptaient déjà par centaines et
les Ecritures étaient largement diffusées, traduites du sanskrit en chinois,
ou bien rédigées, annotées et commentées, comme les textes: Lý
hoặc luận, Lục độ Tập kinh,
Nê
hoàn Phạm hối... L’un des plus remarquables moines traducteurs
était Khương Tăng Hội
(ch: Kāng Sēnghuì), originaire
de Sogdiane, qui aurait traduit le Lục
độ Tập kinh en chinois vers le début du 3è siècle, et
rédigé des commentaires et annotations: Pháp
Cảnh kinh, Đạo Thọ kinh, An Ban Thủ Ý (Anapanasati,
introduction)... Il s’agit d’ouvrages traitant de la méditation de
façon très approfondie.
Avant Khương Tăng Hội,
il existait déjà en terre de Giao Châu des centaines de pagodes,
autrement dit les écoles de méditation était déjà présentes dans
la vallée du Fleuve Rouge, et à l’époque de Khương
Tăng Hội, le Thiền portait déjà l’empreinte
de ses propres particularités. Néanmoins, il n’y avait aucune preuve
tangible de l’endroit où Khương Tăng
Hội s’était établi, ni sur son enseignement, ni sur sa
transmission... Aucun document n’a été trouvé pour dire qu’il était
le patriarche d’une Ecole.
Les livres sur l’histoire du Bouddhisme viêtnamien
ont mentionné la venue de Chine de grands maîtres Chán fonder
des Ecoles Thiền dans des pagodes viêtnamiennes, et étaient
considérés comme des patriarches. Il y eut des Ecoles ayant duré plusieurs
générations, mais à la suite d’influences réciproques entre diverses
Ecoles, de nombreux moines sont allés étudier, pratiquer avec d’autres
appartenant à d’autres Ecoles. Au fur et à mesure, la notion d’Ecole
perdait de son relief. Actuellement, la notion d’Ecole dans les pagodes
n’a plus de signification profonde, et ne porte plus les traits caractéristiques
de chaque Ecole.
1/ Ecole Vinitarucci (du Sud de l’Inde):
Arrivé en Chine en 562, disciple du 3è patriarche chinois
Tăng
Xán (ch: Sēngcàn),
ce grand maître gagna le Viêt Nam en 580, fit la rencontre du moine Pháp
Hiền qui enseignait à la pagode Pháp Vân, et lui transmit
alors le Dharma. A partir de Pháp Hiền, la transmission
de l’Ecole durait encore 18 générations.
Le grand maître Vinitarucci diffusait le Chán
du 3è patriarche Sēngcàn,
célèbre par son texte " Confiance en l’esprit clair ", exprimant la
sérénité, l’absence d’attachement, et de finalité. l’Ecole Vinitarucci
est considérée comme ayant les bases de la pratique du Thiền
et aussi du Vajrayana. Peut-être les érudits s’appuyaient-ils
sur le fait que Vinitarucci avait traduit certains Sutra: " Esprit
du Thiền ", " Dépassement de l’existence et de la non-existence
" et " Esprit du Vajrayana ".
Les grands maîtres qui lui ont succédé avaient, en
dehors de l’esprit Thiền, un penchant pour le Vajrayana,
avec des pratiques d’oracles et de divination, comme Sùng Phạm, Vạn
Hạnh, Từ Đạo Hạnh, Pháp Thuận...
2/ L’Ecole Vô Ngôn Thông
Le grand maître Vô Ngôn Thông (ch: Wú Yántōng),
originaire de Quảng Châu (ch: Guǎngzhōu)
en Chine, avait atteint l’éveil sur une phrase du patriarche Bách
Trượng (ch: Bǎizhàng) (3è génération après le 6è patriarche
Hùinéng).
En 820, il arriva au Viêt Nam, à la pagode Kiến Sơ, du village
Phù
Đổng à Bắc Ninh, et transmit la Voie à Cảm Thành.
L’Ecole Vô Ngôn Thôn débuta ainsi, et fut transmise sur 16
générations après la disparition du fondateur, c’est-à-dire sur 17
générations au total.
Cette Ecole mettait l’accent sur l’éveil subit, sur
l’identité de l’esprit et le Bouddha, la " non-dualité ", le " non-finalité
". Sans doute la méthode de méditation thoại
đầu (expression-clé) était-elle la plus visible dans l’enseignement
et la transmission de l’Ecole Vô Ngôn Thông, avec des maîtres
comme Thiện Hội (3è génération), Định
Hương (7è génération) Ngộ Ấn (9è génération).
Par ailleurs, il faut dire que l’un des traits les plus remarquables
de cette Ecole est que les maîtres Thiền sont souvent des poètes,
utilisant la poésie pour répondre aux questions sur la voie, inaugurant
ainsi l’expression poétique des thoại
đầu, et apportant une particulière beauté à la littérature
Thiền viêtnamienne: Thiền Lão (7è génération), Viên
Chiếu (8è génération), Trí Bảo (11è génération),
Tịnh
Không (11è génération).
3/ L’Ecole Thảo
Đường
D’origine chinoise, le grand maître Thảo
Đường était un élève du maître Tuyết
Đậu (Xuědòu, mort
en 1052), lui-même élève du patriarche Vân
Môn Văn Yển (Yúnmén Wényǎn, 864-949). Tuyết Đậu était
un maître Chán d’une grande érudition, auteur de nombreux
ouvrages dont le célèbre recueil Tuyết
Đậu Ngữ lục. Maître Thảo
Đường faisait partie de la 8è génération de la lignée
Thanh
Nguyên Hành Tư (Qīngyuán Xíngsī), c’est-à-dire de la 9è
génération de Hùinéng. Alors qu’il prêchait au Champa,
il fut capturé en 1069 par le roi Lý Thánh Tông pendant sa campagne
punitive contre le Champa, et ramené au Đại
Việt. Ici, il fut découvert comme un grand maître talentueux
et vertueux, et nommé Conseiller d’Etat par le roi. Dès lors, il fut
nommé Vénérable Supérieur de la pagode Khai Quốc à la capitale
Thăng
Long, et fonda L’Ecole
Thảo
Đường du Viêt Nam, comprenant 6 générations, parmi lesquelles
il faut citer des maîtres de renom comme Bát Nhã (Prajña,
2è génération), Không Lộ, Định
Giác (3è génération).
L’Ecole Thảo Đường
n’a pas exercé d’influence durable, mais par rapport à l’époque
antérieure, il s’agissait plutôt d’une Ecole Thiền intellectuelle,
fréquentée par le roi, sa cour et un certain nombre de lettrés laïcs.
Il est à noter que cette Ecole Thiền était en accord et en harmonie
avec l’Ecole Vô Ngôn Thông, et subissait en partie l’influence
du Vajrayana, comme le cas des maîtres Bát Nhã et Đại
Điên, préexistant déjà dans les Ecoles Vinitarucci
et Vô Ngôn Thông.
4/ L’Ecole Trúc Lâm Yên Tử
Le patriarche fondateur de cette Ecole était le grand
maître Hiện Quang (mort en 1220), pratiquant d’abord à la
pagode Lục Tổ sous la direction du grand maître Thiền
Chiếu (Ecole Vô Ngôn Thông). Elève ensuite des maîtres
Trí
Không et Pháp Giới, il s’établit sur le mont
Yên
Tử, et fut connu sous le nom de " Grand Moine errant de la Bambouseraie
" et nommé Conseiller d’Etat. La tradition Trúc Lâm Yên Tử
(de la Bambouseraie du Mont Yên Tử) fut établie depuis.
A la disparition du grand maître Hiện Quang,
Đạo
Viên (précepteur du roi Trần Thái Tông) lui succéda.
Puis vinrent les tours de
Đại Đăng
(précepteur du roi Trần Thánh Tông), Tiêu Diêu (précepteur
de Tuệ Trung), Huệ Tuệ, Trúc Lâm (c-à-d le
roi Trần Nhân Tông), Huyền Quang, Pháp Loa...
jusqu’à
Vô Phiền, totalisant 23 maîtres Thiền. Parmi
les 5 premières générations de la tradition Trúc Lâm Yên Tử,
seuls sortaient de l’ordinaire dans leur pratique Thiền le roi
Trần
Thái Tông et le grand maître Tuệ Trung Thượng Sĩ, qui
cependant ne pouvaient transmettre le Dharma, étant seulement des
laïcs. La transmission équivalait pratiquement à la succession à la
direction de la pagode. C’est alors qu’arriva Trúc
Lâm Đầu đà (L’ascète de la Bambouseraie) Điều
Ngự Trần Nhân Tông, le roi éclairé, héroïque, le père
du roi qui avait cédé le trône à son fils pour devenir moine et grand
maître Thiền, en établissant un refuge de méditation sur le
mont Yên Tử pour devenir le patriarche de 17 maîtres des 17
générations suivantes de l’Ecole Trúc Lâm.
C’était sous la dynastie des Trần, c’est-à-dire
au moment de l’établissement de l’Ecole Trúc Lâm Yên Tử,
que le pays et le bouddhisme Mahayana avaient connu leur plus fort
et plus brillant développement. Le contenu de la pratique reposait essentiellement
sur les pensées de Trần Thái Tông, de Tuệ Trung, du
Patriarche Fondateur de Trúc Lâm, du 2è patriarche Pháp Loa
et du 3è patriarche Huyền Quang: " le Bouddha est dans l’esprit,
l’esprit vrai, la non-dualité, la sérénité, le non-attachement, la
transmission d’esprit-à-esprit, le bol et l’habit de patriarche ".
Les particularités de cette Ecole Thiền se trouvaient dans l’adaptation
à la perception des choses à travers les thoại
đầu, mêlés de poèmes improvisés, mais son contenu pratique
n’est guère différent du Chán chinois, avec plus ou moins de
mélange avec les Ecoles Vinitarucci et Vô Ngôn Thông.
C’est en raison de l’extension du pays et la résistance
aux invasions étrangères, menés par le patriarche fondateur de Trúc
Lâm Trần Nhân Tông, que plusieurs chercheurs contemporains ont
pensé que la culture Thiền des Trần, en pratique celle
de Trúc Lâm Yên Tử, avait porté en elle l’esprit populaire,
le patriotisme, la volonté d’indépendance et d’auto-développement...
A notre avis, une telle conception n’est pas vraiment adaptée au Thiền.
Il est regrettable que cette période de prospérité
de l’Ecole Trúc Lâm n’ait guère duré longtemps, car pendant
les 15 générations après le 3è patriarche Huyền Quang, il
n’y eut plus aucune activité, à part mentionner le nom de Dharma
de chacune des personnes de chaque génération!
Certains chercheurs attribuent au maître Chơn Nguyên
(mort en 1722) la réhabilitation de l’Ecole Trúc Lâm Yên Tử
car il avait reçu la transmission du bol et de l’habit, hormis le fait
que lui et ses élèves habitaient à Trúc Lâm et dans les pagodes
affiliées et rénovaient un certain nombre de textes des Lý et
des Trần. Ceci ne paraît pas solide comme argument, et de plus
sa pratique n’était pas semblable à celle de Trúc Lâm. Récemment,
le Vénérable Supérieur Thích Thanh Từ a fait construire de
1971 à 2011 une quarantaine de pagodes, et a été considéré comme l’auteur
du renouveau de l’Ecole Trúc Lâm Yên Tử. Ses mérites, sa
sagesse et ses qualités morales sont immenses, mais à travers les activités
de ces pagodes (surtout les pagodes Trúc Lâm récemment établies),
on ne voit pas toujours pas transparaître les caractéristiques de la
tradition Trúc Lâm.
5. l’Ecole Lâm Tế
D’après un certain nombre de livres d’histoire du
Thiền
viêtnamien, pendant l’époque du seigneur Nguyễn Hoàng (1559-1613),
une dizaine de moines chinois sont arrivés au Viêt Nam, dans les provinces
de Quảng Trị, Thuận Hóa (Huế), Quảng Nam, Quảng Ngãi,
Phú Yên...et ont construit des pagodes, en majorité de l’Ecole
Lâm
Tế (ch: Línjì). Thuận Hóa était la capitale,
et de nombreux moines y venaient donc prêcher. C’était par le grand
maître Minh Hoằng Tử Dung (originaire de Quảng
Đông, 34è génération de l’Ecole Línjì), fondateur
de la pagode Ấn Tôn, que le Chán Línjì fut transmis
au grand maître Liễu Quán en 1708. Celui-ci (mort en 1793) devint
le patriarche de la lignée
Lâm Tế viêtnamienne, appartenant
à la 35è génération. Il construisit et dirigea les pagodes Thiền
Tông, Viên Thông à
Thuận Hóa, Cổ Lâm, Bảo Tịnh
à Phú Yên. Cette Ecole suit toujours la tradition de transmission
d’esprit-à-esprit, de gōng’àn,
de thoại đầu (huàtóu).
De nos jours, cette Ecole persiste encore majoritaire
à Thừa Thiên Huế. Le grand maître Nhất Hạnh, originaire
de la pagode Từ Hiếu, appartenant à la 8è génération de
la lignée Liễu Quán et 42è de l’Ecole Lâm Tế, en
développant le Thiền viêtnamien à l’étranger, est devenu
un maître Thiền connu dans le monde entier.
Auparavant, les grands maîtres Nguyên Thiều
(Ecole Línjì) et Thanh Liêm (Ecole Cáodòng) étaient
venus au Đại Việt, mais
ils établissaient seulement des pagodes et enseignaient le Dharma,
mais on n’a jamais trouvé de document montrant qu’ils avaient fondé
les Ecoles Lâm Tế et Tào Động au Viêt Nam...
6/ Ecole Tào Động
L’Ecole Tào Động (ch: Cáodòng) prenait
sa source à partir des règles de pratique de Động
Sơn Lương Giới et de Tào Sơn Bổn Tịch (9è
s.) en Chine, dont le principe est représenté par les qualificatifs "
Incliné et Droit ". " Droit " signifie l’absolu, la vraie vacuité
du corps de Dharma, " Incliné " signifie le relatif, le
phénomène, le merveilleux existant. " Droit " et " Incliné " n’étant
en fait qu’un.
Le patriarche Tào Động viêtnamien fut le grand
maître Thủy Nguyệt (1636-1704), originaire de Thái Bình,
parti en Chine pour apprendre et pratiquer le Dharma. En 1667, après
3 ans en Chine, il revint au pays, à la pagode Vọng Lão, à
la commune de Đông Triều,
à Hải Dương. Il fonda l’Ecole Tào Động à Đàng
Ngoài (Région extérieure), au fort développement pendant plus de
cent ans. Ultérieurement, bien que cette Ecole ne fût pas aussi forte
qu’auparavant, et présentât des signes de déclin, elle ne disparaissait
pas totalement. De nos jours, il persiste d’assez nombreuses pagodes
avec des moines et moniales de l’Ecole Tào Động dans plusieurs
villes du Nord.
III. Vue d’ensemble des Ecoles Thiền au Viêt Nam
Les Ecoles Thiền viêtnamiennes sont toutes issues des
Ecoles Chán chinoises, et sont à l’évidence teintées de couleurs
du Chán chinois, mais elles portent aussi à l’évidence les
caractéristiques propres du Thiền viêtnamien. Quelles sont ces caractéristiques
?
1/ Le Thiền viêtnamien ne fait pas la distinction
entre les particularités de chacune des Ecoles Thiền. Ce n’est
pas parce que les grands maîtres chinois suivent une Ecole particulière
que les Ecoles viêtnamiennes doivent suivre exactement les pratiques de
cette Ecole. De plus, les grands maîtres chinois sont venus au Viêt Nam
pour propager le Dharma et pour dispenser l’enseignement du Mahayana,
et non pas pour développer leur propre Ecole.
2/ Alors que depuis 2000 ans, les pagodes viêtnamiennes
étaient affiliées au Mahayana, au 20è siècle sont apparues des
pagodes du Theravada, de l’Ordre des moines-mendiants, et du Bouddhisme
Hoà
Hảo. Dans toutes les pagodes, on pratique la lecture des
sutra,
la prière et la méditation (nécessaire dans la pratique du bouddhisme),
sans faire de distinction entre les Ecoles.
3/ Les Ecoles Thiền viêtnamiennes ne prêtent
pas attention à " l’absence de mots et d’écritures, la transmission
en dehors de l’enseignement ", mais considèrent comme importants le
calme et le silence, le repos et la stabilisation du mental, afin de parvenir
à la compréhension de son esprit, la reconnaissance de la souffrance,
du non-soi et de l’impermanence enseignés par le Bouddha.
4/ Le Thiền viêtnamien est " léger, paisible
", et n’utilise pas des méthodes d’approche volontiers " excentriques,
violentes " comme le Chán chinois. Ceci est probablement dû à
la rencontre avec le caractère du peuple viêtnamien, et au lien étroit
tissé entre le Thiền et la Terre
Pure (Tịnh Độ).
5/ L’appartenance à une Ecole Thiền n’est
pas un élément important au Viêt Nam. Lors de la succession du patriarche
fondateur d’une pagode, ses disciples créent d’autres pagodes, et
la première appelée " Monastère Patriarche " ne porte pas la signification
d’une Ecole. L’idée d’Ecole n’existe pratiquement plus au sein
du Sangha, mais persiste encore seulement dans les lignées maîtres-disciples
à partir du patriarche fondateur d’une pagode.
6/ Les grands maîtres Thiền viêtnamiens sont
souvent des poètes, des érudits qui ont créé des œuvres de recherche,
des commentaires explicatifs sur le Bouddhisme. Leurs travaux ont grandement
contribué à la littérature Bouddhique et à celle du Viêt Nam en général.
Avec la nouvelle ère, le point de vue sur la méditation
a changé et s’est en partie modernisée en Chine, au Viêt Nam, et sans
doute dans presque tous les monastères du monde, en minimisant ou en négligeant
la notion d’Ecole. Le mode de transmission, les gōng’àn,
les huàtóu, la communication d’esprit-à-esprit, etc... des
patriarches chinois avaient quasiment disparu, de même dans le Thiền
viêtnamien. A l’heure actuelle, beaucoup de centres enseignent la méditation
à la façon des maîtres Thiền des temps modernes, sans prêter
attention aux anciens patriarches. Le nombre de moines, de moniales et
de pratiquants laïcs au Viêt Nam ainsi que dans de nombreux pays, se
consacrant à l’étude et à la pratique de la méditation, reste cependant
assez important ./.
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